Sujet France métropolitaine
Juin 1992
Série
S (anciennement C, D, D', E)
PHILOSOPHIE
Sujet : Puis je savoir si j'aime ?
CORRIGE
Ce corrigé n'est pas un corrigé officiel. C'est un travail réalisé par l'auteur du site, il peut servir de base pour tout essai et peut être retouché en fonction de vos idées. Les citations dont je me suis servi pour le constituer proviennent du site www.cyberphilo.com.
Introduction
"Puis je savoir
si j'aime?". Comme elle est formulée, la question peut être
double. En effet, dans le cas où l'expression "si j'aime" est
considérée comme complément d'objet direct au verbe savoir,
alors la question porte sur la perception de l'amour que l'on ressent ou que
l'on croit ressentir pour autrui. Dans le cas par contre où le terme
"si j'aime" est pris comme une expression posée au conditionnel,
alors la question devient une interrogation sur ses capacités à
percevoir le monde en dehors du prisme de la vision amoureuse. Quoi qu'il en
soit, il faut réfléchir ici à la perception que nous avons de l'amour et des effets que
l'amour a sur notre perception du monde.
La question dit "si
j'aime", mais encore faut il savoir ce que le terme "aimer" veut
dire ! Si, au premier abord, "aimer "est une sensation forte qui
parait évidente à tous ; cette même sensation ne cache elle
pas la perfidie de l'illusion ? Car pourquoi aime t'on ?
Partie I
Idée
: définir en premier lieu le terme "aimer".
"Aimer"
est une sensation qui se traduit par un attachement, une affection. L'objet
"aimé" peut être un bien, une oeuvre, une cause ou autrui.
Pour ce qui est d'autrui, il faut distinguer le fait simple fait d'aimer et "
l'Amour " . " L'Amour "
concerne des sentiments affectifs très forts entre deux êtres,
une passion parfois dévorante d'un être vers un autre. Cette passion
procure un plaisir physiologique qui peut prendre différentes formes,
par exemple celui du bonheur d'une mère pour son enfant ... Ce plaisir
peut être aussi, bien évidemment, sexuel quand il se partage entre
des êtres que Cupidon a transpercé de ses flèches.
Idée
: la perception de l'amour (du fait d'aimer) est physiologique et par conséquent
évidente.
Le fait d'aimer se traduit donc par du plaisir, il est parfaitement
perceptible et évident tout comme la douleur ressentit quand l'être (ou l'objet
au sens large)
aimé disparait. "Un seul être vous manque et tout est dépeuplé"
!
Partie II
Idée : pour
savoir si on aime, il faut aussi en analyser les raisons.
Pour comprendre si l'on
aime réellement, il convient aussi de s'interroger sur les raisons qui
provoquent notre amour. En effet, l'amour procure du plaisir donc il satisfait
ainsi à des besoins personnels. Mais, si tout d'un coup, l'objet aimé
vient à ne plus satisfaire à ces besoins, continuerons nous à
l'aimer ?
Dans ses "Pensées", Blaise Pascal pose en ces
termes le problème : « Celui qui aime quelqu'un à cause de sa beauté, l'aime-t-il ? Non : car la
petite vérole, qui tuera la beauté sans tuer la personne, fera qu'il ne l'aimera
plus. Et si on m'aime pour mon jugement, pour ma mémoire, m'aime-t-on
moi ? Non, car je puis perdre ces qualités sans me perdre moi-même
[...]. On n'aime personne que pour des qualités empruntées ».
Ainsi,
en allant un peu plus loin dans l'analyse des raisons qui nous poussent à
aimer, on s'aperçoit que celles-ci peuvent être trompeuses car
égoistes. En effet, la recherche chez l'autre de la satisfaction de besoins
personnels uniquement peut donner la fausse impression qu'on aime.
Idée : l'illusion est le piège
de l'amour
A partir du moment où on croit aimer, on peut s'en persuader
et cette auto-persuasion conduit à embellir l'autre. Il y a en quelque
sorte une "maladie d'amour" : on trouve des qualités extraordinaires
chez l'être aimé alors que ces qualités sont ordinaires
ou n'existent pas tout simplement ! Le prisme de l'amour déforme la vision
que nous avons des choses. A ce sujet, dans son "Anthropologie du point de vue pragmatique",
Kant déclare : « Celui qui aime peut encore rester clairvoyant; mais celui qui est
amoureux sera irréparablement aveugle aux défauts de l'objet aimé bien
que d'ordinaire il recouvre la vue huit jours après le
mariage. »
Ainsi va l'amoureux qui vit dans ses illusions et qui interprète
tout en fonction de son amour. Dans ce type de rapport avec l'être aimé, quand
bien même une multitude de signes peut montrer à "l'amoureux"
que les choses ne vont pas comme il
le faudrait ; son inconscient les écartent et leurs donnent
une autre signification. Inversement, vis à vis de ceux ou celles qui
entourent aussi l'objet de son amour, la jalousie devient facilement le corrélat
du soupçon pour l'amoureux..
Conclusion
Idée
: illusion ou non, l'amour transcende !
Mais si sa vision du monde est déformée
par le fait d'aimer, alors il est aussi donné à l'amoureux de
sortir et de s'élever au-dessus du commun, de ressentir des sentations
extraordinaires. La passion amoureuse permet de développer de nouvelles
facultés : nombre d'oeuvres d'art, de peintures, de romans, de poèmes
ont été réalisés par des amoureux transis. Je ne
citerai que ces quelques vers de Verlaine : « Je fais souvent le rêve étrange et pénétrant
d'une femme inconnue, et que
j'aime, et qui m'aime ». Le poète est transporté sous l'effet
du charme et sa poésie s'en ressent. Même si l'amour est illusion,
les effets de cette illusion ne sont ils pas plus fondamentaux que l'illusion
elle même.
Mieux vaut aimer que de renoncer à aimer sur un
doute.